Alimentée exclusivement par les eaux de pluie, la mare de la Grande Seigne est soumise à des variations de niveau importantes (2 m) entre la période de hautes eaux et le quasi assèchement en période estivale, interdisant la présence prolongée de poissons.
Cette absence de prédateurs, la relative importance de la masse d'eau et la présence de nombreux tourradons de carex (ou laîches) font de la mare de la Grande Seigne un milieu très favorable où les amphibiens se reproduisent en grand nombre. Le site abrite ainsi 15 espèces d'amphibiens et reptiles, dont 12 strictement protégées au niveau national.
Concernant les amphibiens anoures*, à côté des trois espèces classiques : grenouille verte, grenouille rousse et crapaud commun, on trouve l'alyte accoucheur qui profite de la présence d'abris pierreux à proximité (murs de pierres sèches en particulier).
Les amphibiens urodèles se distinguent surtout par la présence d'une importante population de tritons (la plus importante de Franche-Comté), en particulier de triton crêté. Cette espèce semble rencontrer ici des conditions optimales pour son développement : une vaste surface en eau (10 ares), ensoleillée, de profondeur favorable, sans faune piscicole prédatrice, avec une flore aquatique bien disséminée (touffes ou tourradons de laîche des marais) ménageant ainsi des abris et un réseau de zones aquatiques bien dégagées (propices à la recherche de proies et à la constitution des couples lors des parades nuptiales).
Le triton crêté subit un déclin important dans divers pays européens et il s'agit probablement de l'une des espèces d'amphibiens qui a le plus diminué en France ces derniers temps. La disparition et la dégradation des mares qui l'abritent en sont les causes principales. En Franche-Comté, le triton crêté est connu dans moins de 30 stations (8 dans le Jura dont 2 au sein du Parc naturel régional du Haut-Jura). L'importance des tourradons de laîche mérite d'être soulignée. Ils confèrent en effet une physionomie très particulière au marais : au cours de l'hiver, les touffes sont très discrètes, le marais ressemblant surtout à un plan d'eau. Au printemps, la physionomie du site change radicalement avec la floraison des laîches : le marais prend alors l'allure d'une véritable cariçaie, où l'on distingue 3 ou 4 mares plus importantes de quelques dizaines de m² chacune. Autour, une multitude de petites mares semblent juxtaposées, séparées par les tourradons de laîches mais néanmoins en communication.
Le plateau dominant le marais est occupé par des pelouses sèches. Là où les dalles de calcaire dur affleurent se développent des groupements plus xérophiles c'est à dire adaptés à des conditions extrêmes d'aridité. La pelouse mésophile* domine, avec ça et là des secteurs de dalles affleurantes. Cette pelouse est malheureusement très envahie par des formations buissonnantes, à base de buis principalement, qui marquent une évolution naturelle vers la forêt.
Le Lizon est marqué par une qualité des eaux optimale et la présence de l'écrevisse à pattes blanches est notée (l'un des rares ruisseaux du massif jurassien).
Enfin, les forêts qui dominent le site constituent un refuge très favorable pour le lynx.
4.2.2. Combe du Grand Essart
Dominée à l'est par la forêt d'Avignon et à l'ouest par le bois de Lésigna, la combe du Grand Essart est bordée par deux crêts qui la dominent de 100 à 200 mètres. Les glaciers quaternaires y ont laissé leur empreinte. En se retirant, ils ont abandonné des placages de très fins dépôts imperméables (appelés débris morainiques) favorisant ainsi l'accumulation et la stagnation des eaux de pluie et de ruissellement. La tourbière du Grand Essart est le témoignage vivant de ce phénomène.
Une tourbière est un biotope spécialisé qui engendre un écosystème particulier. Son microclimat a permis le développement d'espèces boréo-arctiques (espèces des régions nordiques de l'Europe). Les tourbières sont d'importants réservoirs hydriques et jouent avec les marais qui les accompagnent un rôle régulateur dans la circulation complexe des eaux superficielles et souterraines de la région.
Dans le Massif du Jura, en altitude, les facteurs climatiques sont propices à l'installation de tourbières (forte pluviométrie, basses températures et absence de périodes sèches de longue durée). La genèse d'une tourbière y est datée de plus de 10 000 ans. A l'origine, les glaciers se sont retirés de la région et ont laissé place à des cuvettes imperméabilisées remplies d'eau. Progressivement ces plans d'eau se sont comblés et ont favorisé la formation de bas-marais alcalins il y a 6 000 ans. Le développement d'un réseau karstique et la proximité de dolines permettant l'évacuation des eaux de ruissellement, induisent la création, au sein du bas-marais alcalin, d'îlots soustraits à l'influence des eaux carbonatées. Ces îlots, sous l'influence d'un climat froid, sont alors alimentés uniquement par les précipitations abondantes.
Un milieu acide s'établit progressivement. La végétation se spécialise alors avec installation de sphaignes qui constituent de vastes coussins bombés. Leur croissance en dôme et en cercles concentriques crée un ensemble qui s'épaissit et s'élargit progressivement en tourbière bombée ou haut-marais acide qui finit par évoluer jusqu'au stade climacique : assèchement, installation des éricacées et quelques fois du pin à crochets. Il est rare que cette tourbière colonise tout le bas-marais alcalin, on parle alors de tourbière mixte. Un marais de transition très humide et riche en espèces se développe fréquemment au contact du bas marais alcalin et du haut-marais.
Considérée dans son ensemble, la tourbière de la combe du Grand Essart constitue une unité écologique remarquable ; on y recense en effet une flore exceptionnelle (4 espèces protégées), au sein d'une mosaïque de milieux humides très diversifiés.
L'essentiel de la tourbière du Grand Essart est constitué d'un bas-marais, végétation présentant une flore particulièrement intéressante et riche. Trois espèces protégées sont ici plus ou moins complètement dépendantes de ces structures dynamiques : la grassette commune, le liparis de Loesel et la droséra à feuilles rondes, cette dernière se trouvant plus particulièrement sur les bombements de sphaignes qui émergent du bas-marais.
Le joyau botanique de la combe du Grand Essart est sans conteste le liparis de Loesel, petite orchidée très rare en France (une cinquantaine de localités dont 6 dans le massif jurassien), menacée dans la plupart des pays européens par la disparition de ses biotopes d'élection : les tourbières basses alcalines (tourbières en contact avec l'aquifère, donc non acides et à activité biologique moyenne). Elle se développe plus particulièrement dans les stades pionniers à faible concurrence entre les espèces d'où souvent la nécessité d'un entretien du milieu pour maintenir ces stades initiaux. Le liparis a été notée dans la combe du Grand Essart uniquement dans l'extrême nord du marais, plus humide, où une vingtaine de pieds témoignent de la fragilité de la station.
Si la partie centrale du marais présente un aspect relativement ouvert (menacé toutefois par un envahissement par les roseaux, bouleaux et bourdaines), ses franges sont colonisées par un réseau de saulaies buissonnantes découpant l'espace en une série de compartiments très imbriqués, peuplés de mégaphorbiaies à reine des prés (formation végétale de hautes herbes sur sols humides et riches), de moliniaies, de cariçaies et de roselières. Cette diversification structurelle de la végétation est très favorable à l'avifaune nicheuse.
Certaines parties du marais développent des tremblants tourbeux formés d'une végétation étroitement intriquée (trèfle d'eau, potentille des marais, laîches à ampoules, mousses...) qui forme un véritable tapis flottant, instable et mouvant. La laîche des bourbiers, protégée au plan national, n'y est pas rare. Ces tremblants, plus ou moins atterris, correspondent à d'anciennes fosses d'extraction de la tourbe en cours de cicatrisation naturelle.
L'activité traditionnelle de détourbage qui s'est perpétuée dans la combe du Grand Essart jusqu'à la fin des années 1940, explique l'absence de bombements de tourbe, stade mature des tourbières haut-jurassiennes peu perturbées.
Les seuls secteurs encore entretenus correspondent à des prairies humides, fauchées et peu amendées. Elles constituent la frange du marais, principalement à l'ouest, sous la forme d'un étroit liseré régulièrement inondé.
Les boisements correspondent aux groupements végétaux dominés par une strate arborée, spontanée ou plantée. Un liseré plus ou moins discontinu d'épicéa et de bouleau pubescent en mélange occupe la bordure orientale du marais tandis qu'une saulaie dense se développe à l'ouest et constitue l'atterrissement du marais. |