Le lac Léman dans son ensemble constitue une escale majeure, à l'échelle européenne, pour un grand nombre d'espèces d'oiseaux migrateurs en hivernage ; il est cité comme étant la deuxième zone d'hivernage française après la Camargue.
Ce rôle a d'ailleurs été souligné par la qualification de « site d'importance internationale pour l'hivernage et la migration des oiseaux d'eau » accordée à la rive française du lac Léman au titre de la Convention de Ramsar sur la protection des zones humides.
Le site est en majorité inclus dans des réserves de chasse et de faune sauvage (ACCA) et de chasse domaniale (AICA), hormis le vallon des Léchères dans le secteur de Chens-sur-Léman, l'ensemble du secteur de Messery et le secteur de Thonon.
A. Secteur de la baie de Chens-sur-Léman
La baie de Chens-sur-Léman est une zone d'hivernage majeure pour les anatidés. Les roselières situées dans le fond de la baie constituent une zone refuge pour plusieurs milliers d'oiseaux d'eau (foulques, fuligules, nettes, grèbes) durant les mois d'hiver. Les hauts fonds entre les pointes d'Hermance et de Tougues sont également des zones de nourrissage pour ces mêmes espèces.
Les populations d'anatidés hivernantes sur le lac Léman utilisent un réseau de zones littorales essentiellement situées dans le « petit Lac ». Les mouvements entre le site de Chens, la Pointe à la Bise, la Rade de Genève, la retenue de Verbois à l'ouest et l'Embouchure de la Versoix-Mies au nord sont quotidiens. Les échanges avec la baie de Coudrée, l'étang de Saint-Disdille sur la Réserve Naturelle Nationale du Delta de la Dranse ainsi que la Réserve des Grangettes à l'extrémité est du lac sont également très réguliers, et tendent à s'accentuer à partir de février lorsque la chasse s'arrête.
Les comptages hivernaux effectués depuis la fin des années 60 ont montré une nette augmentation du nombre de fuligules (milouins et morillons) entre 1983 et 1993. Durant cette période l'effectif total de fuligules mi-janvier a dépassé 9000 individus durant 5 années (1982, 85, 87, 92, 93). Cette augmentation est probablement imputable au phénomène d'eutrophisation des eaux ayant engendré une augmentation de la moule zébrée. Depuis le début des années 2000 les effectifs ont nettement diminué, tout comme la concentration de matière organique dans l'eau, pour ne plus atteindre que 2000 à 5000 individus (à l'exception de l'année 2009 avec près de 8500 individus).
L'effectif de Nette rousse (Netta rufina) et de Fuligule milouinan (Aythya marila) est très oscillant, de quelques dizaines à plus de 1000 pour la première et de quelques individus à quelques dizaines pour le second, et entre 1 et 3 Fuligules nyroca (Aythya nyroca).
Les 5 espèces de Grèbe sont également régulièrement notées avec par ordre d'importance d'effectif le Grèbe huppé (Podiceps cristatus), le Grèbe à cou noir (Podiceps nigricollis), le Grèbe castagneux (Tachybaptus rufficolis), le Grèbe jougris (Podiceps grisegena) et le Grèbe esclavon (Podiceps auritus).
Enfin, la présence du Plongeon arctique (Gavia arctica) et du Plongeon catmarin (Gavia stellata) est régulière, mais ne dépasse que rarement l'unité, tout comme celle du Butor étoilé (Botaurus stellaris).
La baie de Chens joue également un rôle de halte migratoire pour les anatidés avec la présence de la Sarcelle d'été (Anas querquedula), du Harle huppé (Mergus serrator), mais aussi du Grèbe à cou noir dès le mois de juillet durant la dispersion postnuptiale. Les roselières sont utilisées par les sylvidés paludicoles au printemps, Rousserolle effarvate (Acrocephalus scirpaceus), Phragmite des joncs (Acrocephalus schonobaenus) et Bruant des roseaux (Emberiza schoeniclus), ainsi que par les Hirondelles rustiques qui s'y rassemblent en dortoir à partir du mois de juillet avant leur départ en migration.
En période de nidification, les roselières accueillent la Rousserolle turdoïde (Acrocephalus arundinaceus), une des rares colonies de Grèbe huppé du littoral français ainsi que la Rousserolle effarvate et la Nette rousse respectivement « Vulnérable » et « En Danger » sur la Liste Rouge des Oiseaux Nicheurs de Haute-Savoie.
Enfin, le Milan noir est nicheur sur la partie terrestre du périmètre avec au moins 3 couples territoriaux dans le vallon des Léchères et la Pie-Grièche écorcheur était mentionnée sur la Sablonnière en 1990, mais aucune donnée récente ne vient attester sa présence.
B. Secteur de Messery
La petite baie entre La Vorze et La Pointe constitue un site relais en période hivernale entre la baie de Chens-sur-Léman et la baie de Coudrée. 3 espèces y ont été mentionnées avec des effectifs notables, il s'agit de la Foulque macroule (Fulica atra), de la Nette rousse et du Fuligule milouinan.
Le Milan noir est probablement nicheur dans les grands arbres bordant le lac. Ce secteur arboré constitue l'un des derniers corridors forestiers entre le lac et le Bois de Parteyi. Il s'agit d'une zone boisée relais importante dans le cadre de la recolonisation du Pic mar (Dendrocopos medius) dans le sud Léman (nicheur disparu du domaine de Rovorée), cette espèce effectuant des déplacements n'excédant pas quelques kilomètres et ayant récemment reconquis une partie du bassin genevois.
C. Secteur de la baie de Coudrée (de Rovorée à la pointe des Balises)
En période hivernale, la baie accueille plusieurs milliers de Grèbes huppés, quelques centaines de Grèbes à cou noir ainsi que les Grèbes jougris et esclavon mais dans des proportions nettement inférieures. Les pointes de Rovorée, du Redon et des Balises sont d'excellents points d'observation et de comptage pour les plongeons Gavia sp. dont les 3 espèces européennes sont régulièrement contactées (vues ou entendues) entre octobre et avril.
Le Garrot à œil d'or (Bucephala clangula), ainsi que les Fuligules morillons et milouins sont présents dans le fond de la baie et les anatidés marins comme l'Eider à duvet ou la Macreuse brune sont présents chaque année dans des effectifs variables.
Les sables de Coudrée et d'Excenevex exondés entre mars et mai constituent une zone de halte migratoire et de repos pour les laro-limicoles et les anatidés. Goéland leucophée (Larus michaelli), Goéland cendré (Larus canus), Mouette rieuse (Chroicocephalus ridibundus), Canard colvert (Anas platyrhyncos), Petit gravelot (Charadrius dubius), Chevalier guignette (Actitis hypoleucos) et Courlis cendré (Numenius arquata) sont présents dès le mois de mars.
En avril-mai (migration pré-nuptiale) et août-septembre (migration post-nuptiale), une vingtaine d'espèces de limicoles est mentionnée. Ces espèces cherchent les vasières, étangs et plages de sables pour leurs haltes migratoires. Avocette élégante (Recurvirostra avocetta), Echasse blanche (Himantopus himantopus), Huitrier pie (Haematopus ostralegus) et Courlis corlieu (Numenius phaeopus) s'arrêtent généralement pour des haltes n'excédant que rarement 2 jours, alors que les gravelots Charadrius sp., les bécasseaux Calidris sp. ou les chevaliers Tringa sp. peuvent s'attarder plus longuement pour reconstituer leurs réserves avant de continuer leur route. Les limicoles utilisent le littoral et le domaine de Guidou de façon complémentaire, passant de l'un à l'autre en fonction des dérangements (occasionnés généralement par la fréquentation du littoral de Coudrée).
Les 9 espèces d'ardéidés nichant en France sont annuelles sur le site de la Grande Corne à Guidou. Parmi elles, le Héron pourpré (Ardea purpurea), le Crabier chevelu (Ardeola ralloides), le Blongios nain (Ixobrychus minutus) ou le Butor étoilé (Botaurus stellaris) cherchent plutôt la végétation dense et les roselières, tout comme les discrètes marouettes Porzana sp.
L'espace lacustre est quant à lui occupé par les sternidés et laridés. Sterne pierregarin (Sterna hirundo), Guifette noire (Chlidonia niger) et Mouette pygmée (Larus minutus) peuvent s'y arrêter en grand nombre en avril-mai, parfois accompagnées de rares Sternes caugek (Sterna sandvicensis) ou caspienne (Hydropogne caspia).
Sur les parties terrestres de Guidou et Rovorée, le Milan noir (Milvus migrans), la Pie-grièche écorcheur (Lanius collurio) et le Martin-pêcheur d'Europe (Alcedo atthis) sont présents en période de nidification.
2 espèces sont considérées comme « En Danger » sur la Liste Rouge des Oiseaux Nicheurs de Haute-Savoie, il s'agit de l'Hypolaïs polyglotte (Hypolais polyglotta) et de la Nette rousse (Netta rufina). 4 espèces sont « Vulnérable » : la Rousserole effarvate (Acrocephalus scirpaceus), le Bruant des roseaux, la Gallinule poule-d'eau (Gallinula chloropus) et le Râle d'eau (Rallus aquaticus). Le Gobemouche gris (Muscicapa striata) est « Vulnérable » au niveau national.
Le Léman dans son ensemble revêt une importance capitale pour la population alpine de Harle bièvre (Mergus merganser). Cet anatidé, bien que commun en Haute-Savoie, est un nicheur rare à l'échelle du territoire national. La population nicheuse française de cette espèce se concentre dans une étroite frange Est (Haute-Savoie, Franche-Comté, Alsace). En août 2008, une « nurserie » comptant au moins 118 jeunes de l'année occupait l'espace lacustre devant la Châtaignière. Il s'agit probablement d'un rassemblement de familles pouvant venir de plusieurs kilomètres (Messery, Yvoire, Baie de Coudrée). Le secteur Ouest de la baie, entre Rovorée et Excenevex, constitue une zone de rassemblement post-nuptial avec des effectifs de 150 à 250 individus.
D. Secteur de Thonon - Domaine de Ripaille
La forêt de Ripaille accueille une des plus belles colonies de nidification du Milan noir de la rive française, avec une vingtaine de couples. L'installation récente d'au moins un couple de Milan royal a probablement pour origine la bonne santé des populations suisses. Cette récente acquisition de l'avifaune nicheuse de Haute-Savoie est d'excellente augure, compte tenu du statut de conservation défavorable de l'espèce à l'échelle nationale (vulnérable) et régionale (en danger critique).
Le Gobemouche gris (Muscicapa striata) est bien représenté avec un minimum de 6 territoires en 2011.
Les oiseaux d'eau sont moins abondants dans ce secteur du lac du fait de l'étroitesse de la benne lacustre. Cependant, les Grèbes huppé, à cou noir et esclavon ainsi que le Plongeon arctique y sont présents en période hivernale. |